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L'OMBREDUDINOSAUREIl y a douze ans, en 1944, Arthur Koestler publia son premier volume d'essais : Le Yogl et le Commissaire, se mettant à la pointe d'un combat qui s'annonçait long et violent. Il allait affronter le mensonge le mieux organisé, la calomnie frénétique la plus répandue : le totalitarisme, ses serviteurs et ses complices. A présent, en 1956, les protagonistes mêmes du totalitarisme chancelant doivent admettre que Koestler a eu raison.L'Ombre du Dinosaure, son deuxième recueil d'essais, est dans l'esprit de l'écrivain « son adieu aux armes ». Cassandre enroué se taira dorénavant ; l'alternative ; yogi ou commissaire ; n'est pas réellement dépassée, mais, comme tous les problèmes de ce début de l'âge atomique, elle se pose à l'ombre du Dinosaure.Qu'Arthur Koestler nous propose une « anatomie du snobisme » ou un « petit manuel des névroses politiques », ou qu'il nous expose de sa façon particulièrement hardie ses vues sur le problème juif ; ce qu'il cherche partout, ce vers quoi il tend passionnément, c'est la vérité libératrice, la sincérité en tant qu'accord critique de l'homme avec lui-même ; dans la confrontation permanente de l'être avec sa conscience et avec son savoir.Koestler dit dans la préface que toutes les prédictions pessimistes et apparemment insensées, faites dans Le Yogi et le Commissaire, se sont réalisées, mais pas une de ses vues optimistes et apparemment vraisemblables, si peu nombreuses et si prudentes que fussent ces dernières. Mais on lira dans les dernières lignes de L'Ombre du Dinosaure : « Peut-être la conquête des espaces interplanétaires provoquera-t-elle une révolution de Copernic à rebours, l'apparition d'un nouveau type de conscience cosmique. Peut-être la création de lunes artificielles et autres jouets analogues constituera-t-elle une distraction si absorbante que les vieilles passions se videront et que leurs causes seront oubliées. Peut-être quelque découverte inattendue dans le champ des perceptions extra-sensorielles nous ouvrira-t-elle une nouvelle perspective spirituelle, fournira-t-elle une nouvelle base à nos croyances métaphysiques, une nouvelle intuition de nos ultimes responsabilités. »L'optimisme d'Arthur Koestler est de ceux qui surgissent au-delà du Purgatoire ; dans le no man's land qui se situe entre les menaces apocalyptiques et les espérances inéluctables.